Veille de printemps.
Balade matinale
Hier matin, je suis allée faire un tour dans le petit bois derrière chez moi.
Il est coincé entre une ligne de chemin de fer et une départementale.
En cette veille de printemps, la neige a saupoudré le décor.
Je décide, le 5D mark IV avec le 100 mm macro autour du cou, d’y aller faire une balade.
L’air est frais, friquet même, par moment mon haleine embrume mes lunettes.
Les arbres où pointent les premiers bourgeons sont enfarinés comme une baguette croustillante, laissant çà et là apparaître leur écorce rugueuse.
Les chemins sont bien visibles, le blanc n’a pas tenu.
La végétation est, pourtant encore dissimulée sous son manteau floconneux.
la neige n’a pas tenu sur le chemin
Un rouge gorge solitaire sautille sur le chemin.
Rares sont les oiseaux qui se risquent à sortir et même à chanter, tout semble vivre au ralenti.
Le son de la route, derrière les arbres, est comme étouffé.
En cette veille de printemps, la neige a saupoudré le décor.
Il règne une sérénité bienvenue.
Je ne rencontre que deux promeneurs, mais je quitte les chemins balisés pour m’enfoncer en sous-bois.
Essayer de percevoir la vie en suspension de ce petit bois derrière chez moi.
Les feuilles humides, sous la fine couche de neige, étouffent mes pas.
Je m’arrête souvent pour écouter et respirer le vent.
L’odeur de l’humus est discrète comme si elle attendait la fonte du duvet blanc, pour s’exhaler.
Je repère :
ici, une loge désertée depuis longtemps de ses occupants.
Là un petit sentier presque invisible tracé par une faune rare dans les parages.
Un merle s’attarde dans le lierre qui pousse sur un arbre, une baie noire dans le bec.
Par ici,c’est une empreinte de sanglier avec ses 2 ergots à l’arrière, sûrement un gros mâle solitaire.
Photographié a coté d’une pièce de 2 €.
On distingue bien l’ergot arrière de gauche qui correspond à l’index et les 2 marques laissées par le majeur et l’annulaire à l’avant.
L’auriculaire, ergot de droite est moins visible tout à côté de la pièce.
Une rencontre inespérée
Le petit chemin que je suis est soudain bloqué par un grand arbre couché en travers.
Je le contourne côté racines, traverse les taillis et retrouve le chemin.
Je m’arrête, là sur ma droite, un cœur blanc.
Je ne bouge plus.
Je viens de voir le miroir d’une chevrette. (Celui du mâle est en forme de haricot).
Elle ne m’a pas encore vu.
Sur la gauche un brocard me regarde,
je ne vois qu’un œil noir et un andouiller.
Il est dissimulé derrière un gros tronc.
Nous sommes immobiles et les secondes se succèdent…
En mon for intérieur je râle d’avoir pris le 100 mm au lieu d’une focale plus longue.
Mais en plus de trente ans ce n’est que la troisième fois que je vois un chevreuil dans ce petit bois derrière chez moi. En plus ils sont deux, un couple qui a échappé aux chasseurs qui sévissent dans le secteur.
Lentement je monde le boîtier au niveau de mon œil.
Heureusement je suis à bon vent, car ma veste grise, mon jeans et mon bonnet à pompon ce n’est pas très « camouflage ».
J’essaye une première prise, le déclencheur me semble raisonner dans le bois.
La chevrette ne bouge pas.
Le mâle a toujours l’œil rivé sur moi.
À la seconde photo, toujours pas de réaction.
Oups !
Vite je change le réglage pour le mode « silencieux » sur mon boitier.
Je me déplace de quelques centimètres, car la femelle est cachée par des branches enneigées.
Elle tourne la tête vers moi. Elle me fixe, je me dis qu’ils vont partir affolés.
Mais non elle tourne la tête et commence à se gratter.
La mue a dû débuter et je vois ses poils qui s’envolent à chaque coup de langue.
Le mâle s’est détourné, il ne me regarde plus, mais il reste caché derrière le tronc.
Les minutes se succèdent, je savoure de l’instant.
La femelle relève la tête et me fixe à nouveau.
Je suis à une quinzaine de mètres au milieu du chemin.
Elle hume, mais ne doit rien sentir, car elle reprend son épouillage.
Le mâle s’approche d’elle, passe derrière et se retourne.
Je vois ses bois, ils ne sont plus en velours, 2 andouillers pointent fièrement.
Est-ce le chevrillard que j’avais aperçu l’an dernier dans le coin ?
Après un long regard en ma direction, il s’avance tranquillement dans les taillis, la femelle le suivra quelques secondes plus tard.
Je reste sur place à savourer ce moment, puis adossée à un arbre, cherche à mettre un repère dans mon GPS.
Je relève les yeux, le brocard réapparaît un peu plus loin et ne s’occupe pas de moi. Il serpente encore quelque temps entre les troncs, puis disparaît dans les fourrés vers la voie ferrée.
Je viens de recevoir une sacrée giclée d’endorphine.
Je remonte le chemin.
Sur ma droite la petite mare bien souvent asséchée est pleine d’eau.
Sur son pourtour quelques empreintes de sanglier et sous un grand arbre qui la borde, 2 traces de couches.
C’est surement là que le couple a passé la nuit, pendant que la neige qui tombait en cette veille du printemps 2018.
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